Poèmes à déchets
SAC PLASTIQUE
Il s’envolera au-dessus des rizières
Il dormira le long des sentiers nus
Puis ira s’épancher dans la rivière
Ses poignées se souvenant de ce qui fut
Aujourd’hui entouré de ses semblables
Il se languit des déchets qu’il portait
Charrié par des eaux noires et insondables
Il moisit à côté d’une brique de lait
ROGNURES D’ONGLES
Arrachés par outils où d’un coup d’dent
Ils vont au plancher, semblables à des cils
Quittant leur berceau, trop proéminents
Pour finir en êtres brisés, fragiles
Le balai les emmène vers l’ultime voyage
Un sac poubelle noir sera leur tombeau
A côté des poils du corps, du visage
Ils dorment, tristes et échéants oripeaux
PANSEMENT
Sa mission accomplie, on le dégage
Sans ménagement, sans même un merci
Quelle ingratitude! Vraiment quel outrage!
C’est grâce à lui que le genou est guéri…
Désormais tout sale et tâché de sang
Froissé, plié et couvert d’écarlate
Il rend l’âme, noble héros innocent
Son sacrifice aura sauvé une patte
TESSON DE BOUTEILLE
De sa jeunesse ne subsiste que le goulot
Duquel s’échappent quelques gouttes de vin doux
Telles d’amères larmes sans sanglots
Des bords acérés déforment son cou
Autrefois gracieux, désormais brisé
Des bouts de verre, tel des millions d’paillettes
Font du caniveau un ciel étoilé
Cosmos du trottoir parmi les gouttelettes
VIEUX CÂBLES
Longs serpents noirs à 3 éléments
Tous, ils s’entremêlent au fond d’un tiroir
Leur cuivre coupé leur fait comme des dents
Ils n’illumineront plus les veilles du soir
Entre les prises, les chargeurs usagés
Les piles déchargées et les briquets vides
Ils dormiront ainsi l’éternité
Liés à jamais dans une étreinte torride
ÉPLUCHURES
Rebuts de parures cerclées longilignes
Peaux de fruits ou de légumes dévorés
Certaines, pareilles à de colorés cygnes
D’autres sans substance, simples banalités
Tel un phénix, elles renaissent dans la terre
Du compost, elles offrent leur décrépitude
Et du Styx, elles remontent vers la lumière
Pour devenir graines, leur nouvel interlude